Le Caire confidentiel – The Nile Hilton Incident
Le Caire confidentiel – The Nile Hilton Incident
La recette classique d’un polar au cinéma: une grande métropole côté noir, un flic entre deux âges, veuf au grand cœur, corrompu, mais pas plus ni moins que les autres. Les villas de luxe et les squats des bas-fonds, prostitution, meurtres, travail clandestin. Un corbeau, du chantage, un peu d’alcool et de kif, beaucoup de cigarettes. Une intrigue, qui emmène et fait travailler du bonnet, sans être d’une grande originalité toutefois.
Sauf que ça se passe en janvier 2011, au Caire, à deux pas de la place Tahrir. La révolution tunisienne est en marche, la révolte populaire égyptienne gronde depuis Alexandrie, mais tout ce que le brave commissaire trouve à y dire c’est que « même quand c’est le bordel chez eux, les tunisiens arrivent encore à nous battre au foot ». Tarik Saleh plonge dans les fumées de son pays d’origine, à une période charnière de son histoire. En Egypte, il y a la police, l’armée et la sureté d’Etat. Un monde bien hiérarchisé, où l’argent circule à flot, et où l’on courbe l’échine servilement devant plus haut que soit dans l’échelle des grades et des influences. Un appareil bien rodé, qui vise d’abord à sa propre survie et celle de ses mécènes, hommes d’argents et de pouvoir. Le petit peuple du Caire s’emballe, mais à quoi bon. Sa révolution n’aura servi à rien. Le poisson est pourri de la tête, et la tête résiste de l’intérieur, jusqu’à son plus haut sommet. Elle est forte et fortunée. Une poignée de nantis qui s’entendent pour se partager le pouvoir. Elle fait peur aux plus frondeurs.
Visiblement, depuis 2011, rien n’a vraiment changé. Le socle de la liberté, la justice et son corps d’action, police et armée, sont pourris, et sa tête pue plus que jamais. On couvre la rumeur incessante de la rue par les mélodies et les voix orientales crachées par la radio, que l’on garde dans sa tête la nuit pour ne plus entendre les bruits des klaxons et des cris. C’est la liberté qui reste à l’Egypte d’aujourd’hui, celle de chanter à tue-tête et au rythme des tambourins ses airs indémodables, en fumant des cigarettes de contrebande bon marché et en attendant des jours meilleurs.
Fares Fares et son profil aiguisé campent, avec une grande justesse, un personnage pour le moins peu ordinaire qui, en passant des menus rackets de tripots aux plus grands trafics immobiliers, semble chercher sa propre rédemption. Comble de l’ironie, comme en écho à l’histoire qu’il raconte, le tournage du film au Caire a été annulé trois jours avant son démarrage, et déporté à Casablanca.
Le Caire confidentiel – un film de Tarik Saleh, 2017
The Nile Hilton Incident
The classic recipe for a crime movie: a big metropolis on the dark side, a middle-aged cop, a widower with a big heart, corrupted, but no more and no less than the others. Luxury villas and squats in the shallows, prostitution, murders, clandestine work. A blackmailer, a little alcohol and weed, a lot of cigarettes. An intrigue, which makes our heads work, without being of great originality however.
Except that it happens in January 2011, in Cairo, a stone’s throw from Tahrir Square. The Tunisian revolution is ongoing, the popular Egyptian revolt is rumbling from Alexandria, but all that the officer has to say is that « even when it is a mess at home, Tunisians still manage to beat us at football « . Tarik Saleh dives into the smoke of his home country at a pivotal time in his history. In Egypt, there is the police, the army and the state security. A well-hierarchized world, where money flows freely, and where one bends the spine slavishly before higher ranks and influences. A well-run apparatus, which first aims at its own survival and that of its patrons, men of money and power. The small people of Cairo are excited, but what is the point? His revolution was of no avail. The fish is rotted from the head, and the head resists from the inside, to its highest peak. It is strong and wealthy. A handful of haves who get along to share power. It scares the most rebellious spirits to the bones.
Obviously, since 2011, nothing really changed. The bedrock of liberty, justice and its action units, police and army, are rotten, and its head stinks more than ever. The incessant rumor of the street is covered by the melodies and the oriental voices spat by the radio, which are kept in the head at night, so as not to hear the horns and the cries. This is the kind of freedom that is left in Egypt today, that of singing one heart out timeless tunes on the tambourines rhythm, smoking cheap cigarettes and waiting for better days.
Fares Fares and his sharp profile, with a great accuracy, encamp a unordinary character, who, by passing from the small rackets of gambling dens to the biggest trades, seems to seek his own redemption. At the height of the irony, as in echoing the story it tells, the filming of the movie in Cairo was canceled three days before start, and deported to Casablanca.
The Nile Hilton Incident – a movie by Tarik Saleh, 2017
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