Objets Trouvés
J’ai été rue des Morillons, au service des objets trouvés
J’ai fait la queue avec mon ticket et quand mon numéro a sonné
Une gentille dame m’a accueilli, derrière son petit guichet.
Voyant ma mine décomposée, elle m’a gentiment demandé:
Qu’avez-vous donc, mon brave monsieur, qu’avez-vous perdu comme bel objet ?
Entre deux sanglots, je lui ai répondu, c’est mes amours que j’ai perdues.
Quelque part sur le chemin de ma vie, entre la Gare du Nord et l’aéroport.
Mon bon monsieur comme je vous plains, m’a-t-elle dit avec entrain
Ne pleurez pas ne pleurez plus, un de perdu, d’autres retrouvés !
Mais moi je n’y crois pas, je n’y crois plus, lui-ai-je aussitôt répondu,
Un amour perdu, c’est une partie de soi envolée.
La bonne dame un peu résignée : parce que vous y croyez encore, vous ?
Je lui ai dit que oui.
Elle me répond: moi voyez-vous, il m’a quitté, un beau matin du mois de mai
et je ne l’ai jamais retrouvé.
Depuis ce jour je trime ici, croyez-moi, trouver l’amour c’est pas souvent,
Ça se trouve pas au coin de la rue, encore moins aux objets trouvés.
Je lui ai dit de quand même essayer, de bien chercher, dans ses casiers, dans ses papiers.
Elle m’a dit: mon bon monsieur, mais c’est vos rêves que vous poursuivez, vous n’êtes pas dans la réalité.
Je lui ai dit: ça se peut bien, c’est peut-être vrai, mais je ne peux m’en empêcher
Et puis les rêves c’est bien plus beau, c’est bien plus gai, pourquoi ne peuvent-ils pas se réaliser ?
Les rêves ça coute rien, c’est sans limite, moi j’en ai plein. En voulez-vous ?
Elle m’a souri d’un air contrit et m’a vraiment pris pour un fou.
Elle m’a glissé sous son guichet, un petit papier tout chiffonné.
Tenez ! m’a-t-elle dit, on sait jamais, essayez donc celui-ci
Parce que votre amour perdu, vous ne le trouverez pas ici.
Sur le papier il y avait marqué, à l’encre noire et délavée:
Demba Sissoko. Envouteur guérisseur marabout
Maladies incurables, boulots improbables, ramène l’amour, et tout et tout
Cent pour cent garanti, séance d’essai à Gennevilliers.
J’y suis allé.
Il m’a cueilli à la sortie du métro, on est monté dans son studio
Et il ne m’a rien demandé, qu’un petit billet pour le bout d’essai
Il a prononcé des mots dans une langue mystérieuse, fait des grands gestes d’accoucheuse,
Alors derrière le rideau telle une gorgone, est apparue une énorme matrone
Noire comme la nuit, tout sourire, seins nus en avant, comme la proue d’un navire
elle m’a fait peur !… je me suis enfui.
Depuis je cours.
A cœur ouvert
A cœur perdu, à cœur meurtri
Le souffle court, je cours derrière mon amour perdu.
Mon amour envolé dans les rues de Paris
Quelque part, entre la Gare du Nord et l’aéroport.