Maroc, O Maroc
Maroc, O Maroc où t’es-tu donc perdu ? Les jours passent et tu sombres, et je ne te reconnais plus. N’entends-tu donc rien ? La colère sourde et profonde ?
Le voici, petit pêcheur, vivant de rien, et ce rien tu lui prends. Que valaient pour toi la queue de quelques espadons ? Illicites et alors, ce n’était que poisson, quand tu vends aux enchères et jusqu’aux sultans d’Orient, et tes eaux et tes terres, et même tes enfants. Le voici, petit pêcheur, jeté comme une ordure, dans la benne broyé vif sous les yeux silencieux, des puissants ordinaires et puis du monde entier.
Maroc, O Maroc, quand te soucieras-tu de faire, taire les voix méprisantes des faibles orgueilleux, qui muni de leurs titres ou leur infime pouvoir, crachent sur leurs frères et méprisent leurs aïeux.
Maroc, O Maroc, n’as-tu donc pas compris ? La colère sourde et profonde ? Maroc, tu es seul, qui crois-tu qu’il te reste ? La France, indifférente, n’aime que tes palmiers, ton ciel bleu, tes tagines et tes flots onduleux, de tes enfants vraiment elle se soucie bien peu, préférant tes oranges, ton labeur au rabais et tes quelques deniers.
Maroc, tu laisses faire des barbus empotés et à bien courte-vue, réciter des versets que personne n’a connu, te dicter ce que faire, qui prier, et comment bien manger ? Pendant que sur des bancs usés d’une école à l’abandon, tes enfants entassés et bien mal fagotés, ânonnent sans y croire une bien maigre leçon. Et leurs mères se lamentent à en perdre la raison, quand leurs fils bon-à-rien finissent en prison.
Maroc, O Maroc, où t’es-tu fourvoyé ? Quand deux de tes belles et innocentes pucelles, échangeant en secret un chaste et langoureux baiser, sans voir sur elles le piège se refermer, se trouvent par leur propre père dans tes sinistres geôles condamnées ? Ne vois-tu donc pas la route où tu sembles perdu ? Où donc s’égare ton âme et ta splendeur passée ?
Maroc, O Maroc, où sont passées tes nobles traditions ? Et comment peux-tu ainsi faire fi de ta modernité ? Toi qui pourrais être synthèse parfaite, union des genres, passerelle, pont solide et épais.
Maroc, garde ton roi s’il te faut un roi, garde-lui l’apparat et ses palais de zelliges sinoples, mais de grâce donne voix à ton peuple, et donne lui le reste aussi, après que tu l’aies instruit. Il ne suffira plus de paraître, le Croyant, Commandeur ou Régnant, il faudra aussi faire et laisser faire les gens.
Femme marocaine sois forte ! Tu es belle, sois rebelle, et sans perdre ton panache, montre-leur les valeurs auxquelles tu prends attache. Si le chanteur pacotille protégé par En-Haut, a fait perdre l’honneur à une alter-égo, crie scandale, jette un sort dont tu as le secret, que la honte lui fasse perdre valseuses et trémolos.
Maroc, phare de l’Ouest, ne sens-tu pas à tes pieds, la tempête gronder ? Et déjà ta frêle digue sous la houle trembler ? Tes enfants ont faim de savoir, de travail et soif de liberté. Et quant au pain si durement gagné, il ne leur suffit plus de le voir photographié.
(Photo: port de pêche d’El Jadida)