La vie à crédit
En passant un soir de pluie, dans une ruelle sombre de Paris
Sur une façade un peu maussade, une enseigne colorée disait :
« Bienvenue ! Entrée libre, à toute heure de la journée,
Entrez donc vous réchauffer »
Il faisait bon dans l’antre, j’y étais bien, j’y suis resté.
J’ai tout regardé et même touché, et puis finalement j’ai choisi
Ce qui me paraissait de plus doux et sucré.
Alors, d’un sourire d’ange et d’un signe de la main, discret,
Au fond de l’échoppe elle m’a attiré.
Apres les quelques mots d’usage dans notre situation,
Elle m’a dit qu’elle était prête à entrer en action.
Vers moi elle a doucement tendu sa main bien manucurée,
disant que c’était le moment de la lui présenter.
J’ai sorti mon bidule.
Elle m’a demandé de l’introduire délicatement, je l’ai mis dans sa fente,
Jusqu’au bout je l’ai enfoncée, et elle en a semblé contente.
Ses jolis yeux ont clignoté, avec un petit couinement délicieux
Elle m’a demandé d’effleurer, de mes doigts par petites touches,
D’un code dont j’ai seul le secret, ses boutons qui s’allumaient,
Bien à l’abri des regards indiscrets.
Puis elle m’a dit merci d’un air rassasié : « c’est bon maintenant, tu peux la retirer »
Voici pour toi la petite note. Elle avait l’air fatiguée.
J’ai retiré mon bidule doré, l’ai replacé dans son écrin de tissu soyeux,
Rangé tout contre moi. Et j’ai souri, d’un air joyeux.
Oh ! comme c’est bon,
La vie à carte de crédit !
photo : Go Figure, sculpture en bronze par Peter Simon Mühlhäußer