politique fromage
A une semaine à peine du premier tour de l’élection présidentielle frââânçaise, cet événement d’importance mondiale que le monde entier nous envie, nous sommes encore nombreux, ce coup-ci encore, à ne pas savoir quel sacré nom de nom glisser dans la petite enveloppe à la couleur indéfinissable. C’est pas la faute aux candidats, hein, après tout, ils ont du courage à se présenter ainsi à la vindicte populaire, et en nombre encore. C’est juste que, hmmmm, le choix paraît plus difficile que celui d’une part de fromage sur un plateau de chez Androuet. C’est dire.
Vous ne le saviez peut-être pas, tout occupés que vous étiez à rompre par le chocolat vos quarante jours de carême, mais Bouffe, Fumette et Méli-mélo TV (B.F.M.TV) organisait aujourd’hui le déjeuner-débat de Pâques, une gigantesque bouffe, entrée plat dessert et tout et tout, dans la plus pure tradition française, avec le lundi en repos après, avec tous les candidats, les grands les petits, s’il vous plait. Et comme vous l’avez manifestement manqué, je vais ici même vous en relater l’essentiel.
Voici.
Après les amuse-bouche et les fois-gras, contre lesquels certains s’indignèrent, mais la bouche pleine, de sorte que la cause animale en pâtit légèrement, et, comment dire, sembla à tous un peu lointaine, après le traditionnel gigot-fayots, qui tourna bien deux fois, après tout cela et quelques tours de chauffe, le débat atteignit son paroxysme lors du plateau de fromages.
La Le Pen ouvrit le bal, soufflant comme une locomotive hors d’âge, en réclamant à cris d’orfraie que l’on bannisse de la table et Gouda Hollandais et Pecorino Italien, non mais, et d’ailleurs le petit chèvre des Pyrénées, là, le grand père du berger, n’était-il pas révolutionnaire basque espagnol ? Faudrait tout de même vérifier la lignée de chacun avant de servir, on n’a quand même pas bouté les Arabiens hors de France en 732, pour les voir revenir par le plateau de fromage.
Ce à quoi Lassalle, sans perdre son sang-froid, répondit à la commère que c’était lui le petit fils du berger en question, et que si de son fromage elle n’en voulait pas, qu’elle se le foute là où il pense, ça fera du bien à ses hémorroïdes et la rendra peut-être un peu plus aimable, et que lui, justement, appelait la jeunesse du pays à venir voter le 23 chacun avec son petit chèvre rustique de chez lui et qu’on allait bien s’éclater comme ça.
Pendant ce temps, un journaliste exhumait des poches de Fillon une tomme de brebis cendrée et cerclée de paille d’or, qu’il gardait pour lui en scred. Il eut l’air étonné qu’on le lui reproche, ses broussailles qui lui servent de sourcils haussées comme des pagodes japonaises, et déclara d’une voix innocente de petit enfant qu’on surprend les doigts dans le Nutella, que c’est un ami qui lui avait donnée en cadeau, et qu’on peut quand même avoir des amis, non ?
Mélanchón, goguenard, déclara aussitôt qu’il allait confisquer tout cela, qu’il prendrait tout le gras qui dépassait, que ça allait bien comme ça, et que d’ailleurs, lui président, à la place du fromage on sera prié de manger des bananes du Costa Rica, afin d’honorer les nouveaux engagements nationaux, en vertu de l’adhésion de la France à la Nouvelle Alliances Bolivarienne. Caraï, viva El Ché !
A cette énonciation, Cheminade qui d’habitude est contre tout, ne fut pas contre les bananes de Mélanchón, mais lui rappela poliment que lui c’est « Cheminade » et non « Ché ». Puis déjà repu, il s’assoupit de nouveau.
Macron se rua littéralement sur la mimolette (la vieille, celle qui sent un peu fort et qui s’effrite quand on la touche, mais qui est si délicieuse en bouche) puis parla à tort et à travers et la bouche pleine pour dire que ça suffisait les langues de bois, qu’il en ferait des boîtes de camembert pour faire taire ses adversaires, même si, dans l’ensemble il était d’accord avec eux.
A ces mots, Asselineau s’arrogea le camembert fermier en question et en entier, il pestait dans son coin dans un charabia incompréhensible le nez plongé dans l’étiquette, vociférant, que ce fromage n’avait de fermier que le nom, et qu’on verrait bien avec l’article 50, comment il ferait, lui, revenir le bon lait cru non pasteurisé et plein de bons microbes dans le camembert français.
Dupont-Aignan l’ignora et dans sa superbe, pointa fièrement le doigt vers un fromage de son village, bien de chez nous, se leva en criant « debout la France » et menaça de quitter le plateau si on ne lui laissait pas son temps de dégustation.
Arthaud était révoltée que le bourgeois qu’on avait placé en face d’elle se soit accaparé tout le reblochon et ne lui ait laissé que quelques maigres croutes, tandis que Hamon suggérait justement qu’on pourrait désormais mieux répartir les croutes du fromage, et que chacun pourrait ainsi recevoir sa part égale de croute, et qu’on dirait désormais « gagner sa croute universelle ».
C’est à ce moment qu’on apporta le dessert, sorte de pâtisserie lorraine au pain d’épices, et plus aucune voix discordante ne s’éleva. Tout le monde semblait d’accord pour se partager le gâteau. Sauf Poutou, outré, qui après s’être tourné en tous sens à la recherche de soutien, ne voyant personne pour lui porter secours, renversa la table, et, avec une véhémence non feinte, déclara à toute vitesse qu’à chaque jour suffit sa Vache Qui Rit (marque déposée par le Grand Capital) et que lui et ses potes ouvriers, ben on leur ferait jamais manger de ce pain-là, et puisque c’était comme ça, il se casse, bien le bonjour chez vous, au-revoir.
Ce fut sur cette dernière image choc que l’émission rendit l’antenne.
Et nous, on est beaucoup plus avancés.
Allez. Vive la République, vive la France (avec l’hymne en fond sonore et le fanion bleu blanc rouge qu’on agite).