L’œil du cyclone
L’Oeil du Cyclone
Il fait chaud dehors et encore plus chaud dans la petite cellule, où s’affrontent l’avocate et son client. Un bien mauvais client, à vrai dire, pour une si brillante avocate, presque commise d’office, presque malgré elle, pas vraiment convaincue mais mue par l’idée qu’elle se fait de la justice et un petit air de défiance.
Maïmouna N’Diaye, primée au Fespaco de Ouagadougou, l’un des principaux festivals de cinéma du continent Africain, irradie le film d’une force bien à elle, décidée à ne pas se laisser happer, malgré les pièges du système, les trahisons et la vérité cachée. Fargass Assandé, primé lui aussi, est un dangereux animal sauvage mis en cage, dont l’incroyable jeu n’a rien à envier aux rôles de psychopathes hollywoodiens, on frissonne à chacun de ses gestes, chacune de ses paroles, pourtant rares.
L’avocate est maligne. C’est donnant donnant. L’enfant-soldat, petit enfant meurtri au fond de son cœur, a grandi en soldat rebelle dans son corps et sa tête, jusqu’à commander un millier d’hommes – et d’enfants. Il donne peu, et ne veux rien prendre. Elle, son cœur flanchera, elle s’attachera, forcément, malgré elle. Pendant que la foule commente, le cuistot de rue coupe les oignons avec son masque de plongée. Les scènes au fond de la cellule obscure sont aussi ciselées que les oignons, le bruit, les cris sont incessants, dedans comme dehors, la tension ne se relâche jamais. Et tant pis si on peut trouver que ceux qui donnent la réplique aux deux acteurs virtuoses sont un rien figés, naïfs et amateurs. Ils sont à l’image de la rue africaine, ils se débrouillent, comme ils peuvent.
Certains grincheux connaisseurs diront que oui, pour du cinéma africain, c’est un bon film. Mais c’est quoi le cinéma « africain » ? Je ne vois qu’un film réalisé par un burkinabé et joué par des acteurs Guinéens, Burkinabé ou Ivoiriens. Et alors ? Alors, c’est un bon film de cinéma, tout court. Allez-y vous, avec un budget aussi riquiqui et les moyens du bord, quand n’importe quelle publicité de 30 secondes pour une grande marque de luxe française en obtient le double ! Il faudrait au contraire s’offusquer de la bien timide diffusion de ce film en France et partout ailleurs, malgré les nombreux prix reçus dans les festivals internationaux.
L’Oeil du Cyclone – un film de Sékou Traoré (France – Burkina Faso, 2015)